Attention : ils ne sont pas faits pour tous vos clients.
Les rendements des investisseurs canadiens sont tirés vers le bas, en raison notamment de taux d’intérêt très faibles et d’un marché canadien plombé par sa dépendance aux ressources naturelles. Déçus, plusieurs se tournent vers des investissements non traditionnels, dits alternatifs, vendus sans prospectus. Mais savent-ils toujours dans quoi ils s’embarquent?
La nature des investissements alternatifs varie grandement. On en retrouve de toutes sortes, des fonds d’hypothèques aux fonds de couverture, en passant par les investissements dans l’immobilier privé. Devant tous ces produits, Arthur Salzer, PDG et directeur des investissements à Northland Wealth Management, y va d’une mise en garde sur bloomberg.com. PAS POUR TOUT LE MONDE Il rappelle d’abord que tous les investisseurs ne sont pas aptes à investir dans ces produits. En règle générale, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) tentent de s’assurer que seuls les investisseurs qui ont les reins assez solides pour assumer les pertes liées à un mauvais investissement soient admissibles. De manière générale, ces placements sont donc réservés à des investisseurs dont les éléments d’actifs financiers, hors dette, dépassent un million de dollars, dont les revenus des deux dernières années dépassent 200 000 dollars (ou 300 000 en comptant le conjoint) et dont la valeur nette atteint cinq millions de dollars, en incluant l’immobilier.
Mais ce que ces critères ne permettent pas de déterminer, rappelle Arthur Salzer, c’est si l’investisseur possède les connaissances ou l’expérience pour comprendre des produits financiers souvent très complexes et des structures légales et de frais souvent opaques. Ils ne révèlent pas non plus sa capacité à bien évaluer le risque que ces produits représentent.
LE RÔLE DU CONSEILLER Dans bien des cas, les investisseurs se fient donc à leur professionnel en conseil financier. Ce dernier doit recommander le produit seulement s’il correspond aux besoins, à la situation financière et à la tolérance au risque de son client. Toutefois, d’autres facteurs peuvent entrer en jeu, dont la commission que reçoit le conseiller d’un gestionnaire de fonds d’investissement ou de sa firme.
Si l’investisseur est assez riche pour embaucher son propre directeur de l’investissement ou un « family office », il jouira d’une règle différente. Le gestionnaire de son portefeuille entre alors dans une obligation de fiduciaire et ne reçoit aucune autre forme de rémunération que celle payée par le client. Mais dans la plupart des cas, c’est la règle de convenance qui trône.
L’INTÉRÊT DE QUI? Comme le rappelait récemment Conseiller, au Québec cette distinction reste plus difficile à faire. L’obligation fiduciaire est un concept juridique provenant de la common law, alors que le Québec fonctionne avec le Code civil. Ce dernier prévoyait déjà une obligation d’agir comme mandataire, dans le meilleur intérêt du client. Mais cette obligation n’est pas appliquée dans les faits par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui considérerait les conseillers comme des vendeurs de produits. C’est donc plutôt la règle de convenance qui s’appliquerait dans leur cas.
Une position qui s’éloigne de celle de la Chambre de la sécurité financière (CSF), dont le code de déontologie stipule clairement que « le représentant doit subordonner son intérêt personnel à celui de son client ». Reste à voir ce qu’il restera de cette position après l’intégration de la CSF à l’AMF.
POSER LES BONNES QUESTIONS Pour vos clients, ce que cela signifie, c’est que même s’ils vous font confiance, ils doivent être capables de poser les bonnes questions. Quelle est la liquidité de l’investissement? Dans certains produits, le montant de l’investissement ne peut être récupéré avant 30 jours, mais dans d’autres cas, c’est dix ans ou plus. Le fonds est-il rapporté sur Fundserv ou via un partenariat privé limité qui peut être enregistré au Canada, aux États-Unis ou dans un paradis fiscal comme les Îles Caïman? Quels sont les frais? Comment sont-ils calculés? Combien de capital les gestionnaires du fonds ou leurs partenaires ont-ils placés dans ce fonds? Quelle est la valeur de revente si l’investisseur souhaite réduire ses positions?
Arthur Salzer rappelle que toutes ces questions ne sont que la pointe de l’iceberg et n’abordent même pas les risques de fraude, lesquels, selon lui, risquent d’augmenter en même temps que le nombre d’investisseurs intéressés à ces placements plus exotiques. Encore récemment, le fonds d’investissements alternatifs américain Platinum Partners, spécialisé dans les éléments d’actifs illiquides dans le secteur des énergies fossiles, s’est avéré une gigantesque arnaque à la Ponzi. Les clients auraient perdu environ un milliard de dollars.